Thèse de doctorat

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Thèse de Doctorat en Sciences de la vie de l'université François Rabelais de Tours, effectuée sous la direction de Alain Lenoir et Jean-Luc Mercier (IRBI) : "Structure sociale et stratégie de reproduction chez Cardiocondyla elegans".

Soutenue le 22 Juin 2006, devant le jury constitué de :

Résumé de la thèse : Cardiocondyla elegans est une fourmi méditerranéenne que l’on retrouve sur les bords de Loire. Cette espèce possède quelques particularités, comme par exemple avoir des mâles aptères. Les objectifs de cette thèse étaient de comprendre sa biologie, ses stratégies de reproduction ainsi que les caractéristiques de son environnement. Pour cela, nous avons utilisé une approche multidisciplinaire, menant des études de pédologie, d’écologie et de botanique (caractérisation de l’habitat et de l’environnement), ainsi que de génétique et d’éthologie (structure génétique des nids et des populations, détermination du génotype et comportement des sexués).
Après avoir confirmé génétiquement la monogynie de cette espèce (une seule reine entourée d’environ 200 ouvrières), nous nous sommes attachés à analyser l’habitat de C. elegans. Le nid est creusé dans le sol jusqu'à 40 cm de profondeur. Il est composé, comme celui de nombreuses autres espèces, d’un conduit vertical reliant une dizaine de chambres superposées. En milieu ligérien, C. elegans se retrouve uniquement sur les grèves en voie de fixation. Nous avons montré que la composition des sédiments de ces grèves était importante pour la survie de cette fourmi. Durant l’été, elle permet dans les chambres les plus profondes, de conserver une température constante inférieure à 30°C avec de très faibles variations quotidiennes. Durant les crues, les sédiments composés de moins de 60% de sable, ne sont que très peu entraînés par le courant (grèves « fixées »). De plus ils permettent, lors de la remontée de la nappe alluviale, la création de poches d’air nécessaires à la survie des fourmis.
L’étude de la répartition spatiale des nids au cours des années nous a révélé que 40% des nids disparaissent d’une année sur l’autre suite aux conditions hivernales. Cependant, suffisamment d’individus sexués, en l’occurrence des femelles fécondées, survivent pour fonder de nouveaux nids. La population étudiée de C. elegans sur les bords de Loire montre une forte densité avoisinant 1 nid/m2. Les grèves fixées étant des environnements morcelés, les nids entrent en compétition pour l’espace et se distribuent de façon régulière. Ainsi, moins de 1% des femelles réussissent à fonder de nouveaux nids.
De Juillet à Septembre, les nids matures produisent des individus sexués. Alors que les femelles sont ailées, C. elegans possède une particularité par rapport aux autres fourmis : elle ne produit que des mâles ergatoïdes (sans ailes) tolérants entre eux. Nous avons déterminé que lors de la période de reproduction, les nids contenaient en moyenne 5,3 mâles ergatoïdes et 76,6 femelles ailées. La reine est généralement fécondée par plusieurs mâles. Ainsi les individus du nid sont issus de la même mère mais peuvent avoir des pères différents (en moyenne 3,3 fratries par nid).
En analysant la structure génétique des populations nous pouvons dire que 30% des accouplements impliquent des individus non apparentés.Ce fait est dû à la présence de nombreux sexués étrangers à l’intérieur des nids. La présence d’individus étrangers dans des colonies monogynes est singulière et nous a amené à nous interroger sur les stratégies de reproduction de C. elegans. Des tests comportementaux nous ont permis de mettre en évidence que les mâles étaient toujours acceptés lorsqu’ils tentaient de pénétrer dans une nouvelle colonie, contrairement aux femelles ailées qui sont systématiquement attaquées. La présence de femelles ailées dans des nids étrangers est liée à leur transport par des ouvrières, un comportement que nous avons observé sur le terrain en période de reproduction. Ces échanges de sexués pourraient permettre de diminuer la consanguinité à l’intérieur de la population, évitant ainsi la production de mâles diploïdes (stériles) et procurer une meilleure résistance de la population en cas de changements environnementaux.
L’étude de cette fourmi nous a permis de mettre en évidence une stratégie de reproduction originale, décrite ici pour la première fois. Notre étude révèle également que C. elegans est la seule espèce de fourmis à être adaptée aux conditions environnementales des grèves en fixation. La seule présence de cet organisme, au même titre que certaines espèces végétales, permet de caractériser une étape de l’évolution morphologique des chenaux secondaires de la Loire.

 

Mots-clés : Fourmis ; Cardiocondyla ; espace ligérien ; inondations ; espèce pionnière ; bio-indicateur ; distribution spatiale ; stratégie de reproduction ; mâles ergatoïdes ; copulations multiples et intranidales ; adoption de sexués.

 

Mise à jour le : 7/11/06